
Et il fut raconté qu’Eion ayant assisté à la naissance des
premiers Dieux, émanant des étincelles de sa conscience
retourna sur Navriel pour s’y reposer.
A cette époque, au début du premier Age de Navriel, le
monde était une vaste étendue de terre recouverte de
végétation elle-même entourée d’une vaste étendue d’eau.
De nombreuses créatures peuplaient la terre, l’air et la mer.
La conscience endormie d’Eion recouvrait maintenant toute la surface de la terre, les étendues de la mer et le ciel de Navriel. Petit à petit, bercée par les flux que Tempus déployait sur Navriel, la conscience se délita, devint de moins en moins compacte et vint à fusionner complètement avec Navriel des cieux les plus haut aux plus profondes fosses du monde. Eion ne fut bientôt plus qu’un avec le joyau de sa création. D’autres mondes peuplaient l’espace, ils avaient tous reçu une étincelle de la conscience de Eion mais seul Navriel pouvait se vanter maintenant de faire un avec le père des Dieux.
De la venue des Elfes
Au centre du vaste continent unique qui couvrait une
grande partie de Navriel se trouvait une immense forêt
primordiale : Anathalan
Et au centre d’Anathalan se trouvait Yltirion le premier
arbre. Il était si haut et si vaste qu’on disait que ses racines
maintenaient la terre accrochée dans l’espace et on disait
que ses branches retenaient le ciel pour ne pas qu’il tombe.
Yltirion ne produisait pas de fruits, il avait existé ainsi
depuis la création de Navriel et il continuait à être,
immuable.
Tempus était amoureux de cet arbre et il passait souvent près de lui pour le caresser de ses courants. Une fois qu’un des courants de Tempus passait plus près d’Yltirion que d’habitude quelque chose se produisit.
Sur une des branches quelque chose de nouveau se mit à pousser. Un bourgeon tout petit pendait maintenant d’une des branches de l’arbre primordial, Tempus fut très étonné de voir cela et il s’approcha pour caresser de ses courants le bourgeon comme il avait fait avec Yltirion.
Sous l’influence des courants du temps le bourgeon se mit à grossir jusqu’à devenir un cocon. Une fois qu’il eut atteint la taille nécessaire le cocon tomba de la branche sur un lit de mousse qui se trouvait au pied de Yltirion. L’arbre abaissa ses branches pour que de grandes feuilles fasse un toit au-dessus du cocon. Des profondeurs de la Terre, l’essence d’Eion remonta jusqu’au lit de mousse et entra dans le cocon. A l’intérieur de ce dernier maintenant se développait une créature. Yltirion le protégeait du soleil par ses branches et ses feuilles, la rosée venait l’humidifier et la terre lui prodiguait des vagues d’essence d’Ion pour accélérer sa croissance.
Les animaux de la forêt venaient maintenant tous les jours veiller devant la créature qui grandissait. Tempus lui-même caressait le cocon de ses vagues pour l’aider à venir au monde.
Hoeliel et Gelmothing eux-mêmes se rendirent au chevet de la créature naissante, fille de l’arbre primordial, du Temps et d’Eion.
Les Dieux de la Loi et du Chaos restèrent longtemps à contempler le cocon et à débattre pour déterminer si la créature allait appartenir à l’un et à l’autre.
“… ce sera une créature de la Loi, déclara Hoeliel, elle va naitre dans l’ordre de la création. Elle sera mienne et suivra les règles établies…”
“… tu te trompes ma sœur, rétorquait Gelmothing, elle va grandir et évoluer et changer chaque jour que Tempus fait, elle sera servante du Chaos…”
Du fond de l’espace retentit alors la voix de Rielah Déesse de la Destinée.
“… cette créature est autant un enfant d’Eion que vous ou moi. Elle va naitre de la Terre et du Ciel, de l’Eau et du Feu. Elle fut bercée par le Temps et reçut l’Étincelle. Moi qui tisse les fils du destin de tous je vois le dessin de la grande toile se tisser sous mes yeux. Elle sera le père et la mère d’une multitude et chacun sera unique et chacun aura le choix. Chaque individu pourra se déterminer entre la Loi et le Chaos et tous seront uns mais tous seront individus. Il ne manque qu’un fil pour qu’elle naisse. Landall, vient et donne à cette créature le pouvoir de tordre les fils du destin car son héritage sera marqué par la magie…”
Landall apparut alors près du cocon et le toucha.
“… reçoit ce présent et que ta descendance puise dans la
magie du monde pour changer la volonté des Dieux…”
Le cocon s’illumina puis se déchira laissant voir une créature telle que le monde n’en avait jamais vu.
Elle était grande et élancée, son corps à la peau de couleur de miel était fin et musclé. Sa chevelure longue et fine lui tombait jusqu’au bas du dos. Ses yeux étaient mauves et légèrement en forme d’amande. Son visage était altier et noble avec des pommettes hautes, un nez droit et un menton fier. Ses oreilles étaient effilées et se terminaient en pointe. Elle avait de longs doigts aux mains. Elle était entourée d’une aura qui lui était conférée par la magie dont Landall lui avait fait le cadeau.
“… Je suis Larianna, déclara la créature…”
Puis un autre éclair de lumière en provenance du cocon illumina la forêt et une deuxième créature presque identique à la première se tenait maintenant debout près de sa compagne, la tenant par la main.
Il était légèrement plus grand et ses muscles étaient un peu plus saillants. Ses cheveux étaient noirs alors que ceux de sa compagne étaient blonds presque blancs.
“… Je suis Narantir, déclara la créature…”
Landall leur ouvrit les bras en signe de bienvenue.
“… Enfants de la terre, du ciel, de l’eau et du soleil, soyez bénis. Enfants de l’arbre primordial, vous qui avez été bercés par la main de Tempus, vous qui avez reçu l’étincelle divine de Eion notre père, je vous accueille au nom des Dieux sur Navriel, votre maison. Que les animaux et les plantes soient vos compagnons, que vos enfants parcourent la surface du monde. Je vous nomme Fey et Elfes…”
Et comme l’avait vu Rielah et comme l’avait souhaité Landall les enfants de Larianna et Narantir ne tardèrent pas à peupler Navriel.
Comment Aliel visita le monde et rencontra les enfants de Larianna et de Narantir
Comme il a été raconté Larianna et Narantir furent les premiers des Elfes, membres du peuple des Fey. Ils s’installèrent au sein d’Anathalan la forêt primordiale. Ils passèrent de nombreuses années à y côtoyer les animaux et les autres créatures de la forêt. Puis le couple donna naissance à plusieurs enfants.
Maniel fut le premier de leurs fils. Il était grand et blond comme sa mère. Toujours joyeux il aimait jouer de tout. Dans le grand affrontement entre la loi et le chaos Maniel était plutôt du côté du chaos. Il valorisait d’abord son indépendance et ne supportait pas les tentatives de ses parents pour lui inculquer quelques règles de vie à suivre. Il restait assez sauvage et consacra de nombreux moments de son enfance avec les animaux.
Il passa plusieurs années à vivre avec une meute de loups dont il apprit le langage, resta dans les arbres pendant 5 ans à jouer avec les oiseaux et les écureuils. Puis il quitta la forêt pour les côtes de l’océan unique. Là, pendant plusieurs années encore il vécut proche des habitants des profondeurs. Il devint le premier protecteur des bêtes de Navriel.
Le second fils des premiers Elfes fut nommé Zeriel.
Dès qu’il fut en âge de marcher Zeriel démontra un
penchant certain pour Anathalan, la forêt. Il passait ses
journées assis au pied des arbres à les regarder sans
prononcer un mot. Tant et si bien que Larianna et Narantir
commencèrent à s’en émouvoir.
Larianna qui voulait que ses enfants connaissent toutes les beautés du monde essaya d’emmener Zeriel au-delà de la forêt dans les grandes plaines ou près de la mer. Mais dès qu’il s’éloignait Anathalan Zeriel était triste, toute joie de vivre quittait son corps et il finissait par dépérir.
Alors, quand il revenait, il s’asseyait devant ses arbres préférés et recommençait à méditer.
Avant même qu’il ne commence à parler avec eux ses parents s’aperçurent qu’il devait, d’une certaine manière, communiquer avec les arbres. Quand il restait à méditer devant eux ils avaient des fruits plus gros, leurs branches étaient plus fortes, leurs racines plongeaient plus profond dans le sol. D’un point de vue philosophique Zeriel restait circonspect devant la loi et le chaos. Il n’aimait pas plus les règles et les hiérarchies que le changement et la mutation. Il pensait que l’instant seul que Tempus crée importe et que toute décision doit se prendre sur le moment.
Le troisième enfant de Larianna et Narantir fut une fille et ils la nommèrent Adriedhel.
Elle était fascinée depuis la plus tendre enfance par tout ce qui pousse et croit. Des racines qui percent la terre pour porter la nourriture aux plantes, des graines que le vent emporte et qui donneront une nouvelle plante, du pollen que les insectes collectent et transportent, tout cela la rendait heureuse.
Ses parents se rendirent compte d’ailleurs qu’elle avait un don particulier pour rendre une terre fertile, pour provoquer la pousse de plantes même dans de lieux où elles poussaient difficilement. Elle savait aussi comment faire se rencontrer diverses variétés de la même plante pour qu’elle devienne plus résistante au froid, à la chaleur ou aux nuisibles. Elle croyait à l’ordre de la nature en toute chose.
Aliel, en son royaume de Gaia observait ce qui se passait sur Navriel depuis qu’Eion s’y était endormi. Il découvrit les enfants des premiers Elfes et fut sincèrement intéressé par ce qu’il voyait. Il décida de se rendre sur Navriel. Pour cela il prit la forme d’un grand et puissant Elfe et, arrivé en lisière d’Anathalan, s’inclina en disant :
“… Je te salue Anathalan, première des forêts. Je te salue Yltirion, premier des arbres. Je vous salue Larianna et Narantir, premier des Elfes. Permettez-moi d’entrer car je désire m’entretenir avec vous…”
La forêt écarta ses arbres et les arbres écartèrent leurs branches pour créer un chemin au-devant d’Aliel. Le Dieu de la Terre parcourut alors le chemin jusqu’au centre d’Anathalan ou se tenaient les 2 elfes, chacun assis sur un trône de branches et de mousse au pied d’Yltirion.
“… vénéré Aliel, toi qui présides à la destinée de la Terre, sois le bienvenu chez-toi, fils aimé d’Eion. Assieds-toi près de nous, désires-tu te désaltérer ? Que pouvons-nous faire pour toi ?” Une large feuille pliée en forme de coupe et contenant de la rosée du matin se trouvait près d’un troisième trône de branches et de mousse.
Aliel s’assoit et boit à la coupe.
“… Larianna, Narantir, faites venir vos enfants que je puisse
les voir et leur parler…”
Les 2 elfes appelèrent leurs 2 fils et leur fille qui se présentèrent devant le Dieu de la Terre.
Ils étaient impressionnés. C’était la première fois qu’ils voyaient un autre Elfe que leurs parents et eux-mêmes. Aliel, même sous la forme d’un Elfe, était un Dieu. Il en avait la prestance et l’aura. Sa voix transperçait leur âme quand il s’adressait à eux.
“… Maniel, avance-toi plus près de moi, demanda-t-il et comme Maniel s’approchait il toucha son front de son doigt. Tu es proche des animaux de Navriel comme personne ne l’est, tu les aimes, tu vis avec eux et tu les protèges. Je voudrais que tu sois plus que cela. Je te nomme Seigneur des Animaux. A partir de ce jour les animaux te reconnaitront comme leur seul Seigneur et Maitre. Tu parleras leur langage et quand ils n’en auront pas tu pourras communiquer avec eux par la pensée. Tu pourras transformer ton apparence pour prendre la forme de n’importe quel animal qui marche, vole, nage, rampe et fouisse. Et si tu le désires tu pourras transmettre l’étincelle de la conscience supérieure aux animaux de ton choix et leur permettre d’accéder à une évolution plus rapide. N’abuse pas de ton pouvoir et uses-en avec sagesse…”
Maniel resta sans voix, s’inclina devant Aliel et ses parents puis soudain se transforma en un aigle géant aux ailes déployées et il prit son envol dans le ciel de Navriel.
“… Zeriel, avance-toi. Et il posa sur le front du second fils des premiers Elfes son index. Tu es l’ami de la forêt, le protecteur des arbres et tu sais les comprendre. Tu seras désormais connu comme le Dieu des Forêts. Elles seront sous ta protection et tout ce qui y vit plante ou animaux. Mais aussi tu devras aussi mener vers la grandeur les habitants qui choisiront de vivre dans les forêts. Tes pairs les Elfes te vénéreront et t’aimeront, les Fey viendront à toi pour prendre conseil car tu es sage malgré ton jeune âge. Tout ce qui vit, pousse et grandit dans la forêt sera tien et tu y trouveras toujours ton chemin. Les arbres seront tes chevaliers dans les combats à venir et tu pourras leur demander de te suivre en retirant leurs racines du sol. Tant que tu seras dans la forêt tes ennemis ne ne pourront pas t’atteindre…”
Zeriel était maintenant métamorphosé. Sa silhouette était plus fine et plus élancée, sa peau avait la couleur et la texture de l’écorce des arbres et ses bras et jambes semblaient des branches. Sa chevelure avait maintenant la semblance du feuillage. Il s’inclina devant le Dieu de la Terre et partit au plus profond d’Anathalan.
“… Adriedhel, approche-toi de moi ma fille. Le Dieu de la Terre encore une fois posa son index sur le front du troisième enfant des premiers Elfes…”
“… tu es la protectrice et la mère nourricière de ce qui pousse. Les plantes croitront et se multiplieront en ta présence. Les sols et la terre deviendront fertiles sous ta main. Tu seras désormais la Déesse des Récoltes. Tout ceux dont la vie dépend de ce qui pousse dans la terre te vénéreront et chanteront tes louanges et toi, en récompense, tu leur feras cadeau des récoltes. Les blés seront levés et la vigne produira le plus beau raisin…”
Adriedhel dont la chevelure maintenant blonde comme les blés et dont la tête était entourée d’un halo de lumière s’inclina et partit en direction des grandes plaines du monde.
Aliel retourna en Gaia mais continua de regarder ce que les 3 nouveaux Dieux faisaient sur Navriel. Ils furent souvent invités dans le Palais de la Terre sur le plan de Gaia et toujours ils faisaient la joie d’Aliel.
Les forêts prospérèrent sous la tutelle de Zeriel. Les Elfes et tous les membres du peuple des Fey étaient maintenant les principaux habitants d’Anathalan, Ils se multiplièrent pour devenir une grande civilisation. Certains partirent vers d’autres forêts pour affirmer leur indépendance mais ceci est une autre histoire.
Les animaux se répandirent sur la terre, les océans et dans le ciel. De nouvelles espèces apparurent et on vit des croisements entre animaux mais aussi entre des formes animales et humanoïdes. Ces dernières furent le fruit des amours entre Maniel et les animaux. La plupart du temps on pouvait d’ailleurs le croiser sous la forme d’un grand centaure à la crinière noire et aux yeux de feu.
Les grandes plaines devinrent fertiles et commencèrent à produire les premières récoltes. Quelques tribus d’Elfes qui avaient quitté la forêt commencèrent d’ailleurs à cultiver leur nourriture plutôt que de chasser ou de la cueillir.
De la venue des Nains
Au-delà des grandes plaines, entre la forêt primordiale et le grand océan se trouvait la chaine de montagne du monde : Tharandhras et son sommet le plus haut qui montait jusqu’au ciel le Kerzerth t’Karn
A la base du Kerzerth t’Karn se trouvait une large ouverture dans la roche qui marquait l’entrée d’une série de galeries et de grottes souterraines qui s’enfonçaient profondément dans la montagne.
Un jour, alors qu’elle se trouvait sur Navriel et passait près du Kerzerth t’Karn, Hoeliel de la Loi remarqua que 2 créatures émergeaient doucement de l’ouverture dans la paroi de la montagne se protégeant les yeux de la lumière du soleil avec la main.
Ils étaient humanoïdes mais plus petits et trapus que les Elfes. Ils semblaient posséder une grande force. Leur chevelure était de la couleur du feu et l’un des deux avait une longue barbe.
Hoeliel qui n’avait pas assumé de forme physique décida d’aller voir de plus près ces 2 étranges créatures et, pour ne pas les effrayer, pris leur apparence. Elle se présenta devant eux avec leurs traits, leur corpulence et leur chevelure. Elle modifia légèrement son visage et se fit un peu plus grande et altière.
“… qui êtes-vous, vous qui surgissez des profondeurs de la montagne, demanda-t-elle…” Les 2 humanoïdes ne furent pas effrayés par cette apparition. Ils avaient juste l’air étonnés.
La créature qui portait la barbe lui répondit d’une voix rocailleuse :
“… je suis Galthor et voici ma sœur Elthiria, nous sommes des envoyés de notre peuple qui n’en peut plus de rester dans les ténèbres de la montagne. Ils nous ont choisi et envoyés pour trouver la lumière et il semble que nous l’ayons trouvée…”
“… comment s’appelle votre peuple, demanda Hoeliel…”
“… quelle étrange demande, rétorqua Elthiria d’une voix
plus douce, n’êtes-vous pas vous même l’une d’entre nous
?”
“… Non petite créature, ceci n’est pas mon apparence, je
me suis transformée pour pouvoir vous approcher…”
“… quelle merveille. Est-ce que tous les habitants d’au-delà
de la montagne peuvent se transformer ainsi ?”
“… certains le peuvent, d’autres non. Et ce que vous appelez
l’au-delà de la montagne se nomme Navriel. C’est le monde
sur lequel vous viviez et la montagne en fait aussi partie.
Mais vous ne m’avez pas répondu, comment s’appelle votre
peuple, je n’avais jamais vu quelqu’un comme vous…”
“…
nous nous nommons “le peuple” ce qui dans notre langue
se dit : Karvhim. Et toi, qui es-tu, qui prend l’apparence des
Karvhims”
“… Je suis Hoeliel, Déesse de la Loi, Je veille à la justice et je
guide tous les peuples. J’apporte l’ordre et la structure sans
quoi rien de ce qui est matériel ne pourrait être…”
“… Hoeliel, peux-tu guider mon peuple au travers des
ténèbres dans lesquelles nous vivons depuis la création et
nous porter vers la lumière ?”
Hoeliel observa les 2 Karvhims. Elle avait noté l’inconfort dans lequel ils se trouvaient du fait d’être à l’extérieur. Ils se tenaient courbés, la tête penchée en avant, protégeant leurs yeux de la lumière, le souffle court.
“… je pourrais mener votre peuple vers la lumière mais ayant vécu depuis la création dans les ténèbres je redoute que vous ne puissiez y survivre. Regardez-vous ! Vous avez trouvé la lumière mais elle blesse vos yeux, vous avez trouvé le monde extérieur mais vous ne supportez pas la hauteur du ciel et l’espace vide autour de vous. Un jour, vous pourrez vivre à la surface de Navriel au milieu des autres créatures mais pas encore, pas maintenant. Pour l’instant votre destin se trouve dans la montagne et si vous ne pouvez pas vous rendre à la lumière nous allons porter la lumière jusqu’à vous…”
“…Elthiria, ordonna Hoeliel, ramasse une pierre sur le sol et
présente-la dans la paume de ta main…”
Elthiria se baissa et trouva sur le sol à ses pieds une pierre
ronde.
Hoeliel toucha la pierre d’un doigt puis toucha le front d’Elthiria d’un autre doigt. La surface de la pierre se fendilla laissant apercevoir dessous les reflets blancs et bleus d’un magnifique diamant. Au toucher de la Déesse le diamant
disparut de la main d’Elthiria pour apparaitre au milieu de son front, comme enchâssé dans son crâne. Le diamant brillait maintenant de manière intense projetant une lumière puissante mais douce à l’oeil sur une grande distance.
“… Sois heureuse car tu seras la lumière de ton peuple et tu pourras toujours le guider dans les ténèbres. Je te nomme Dame des Profondeurs. Tu leur enseigneras comment trouver les pierres qui se cachent dans les grottes et dans les passages à l’intérieur des montagnes. Et quand ils te porteront ces pierres tu pourras leur donner la lumière qu’ils utiliseront pour ne plus jamais être plongé dans les ténèbres. Et le jour ou ton peuple sera prêt il pourra vivre à la surface et les autres races s’émerveilleront en voyant ces joyaux…”
Puis elle se tourna vers Galthor
“… Galthor, prends une branche morte dans ta main et
tends-moi l’autre…”
Galthor s’exécuta, il ramassa une branche de boit mort qui
se trouvait au sol et tendit son autre main à Hoeliel.
Elle prit la main du Karvhim dans la sienne et appela la
foudre.
“…Kusha, Seigneur du Ciel, entends mon appel. Que la foudre vienne !!!”
Kusha entendit l’appel et envoya un éclair de foudre qui s’abattit sur la branche que Galthor tenait et cette dernière s’embrasa. Quand Hoeliel lâcha la main du Karvhim il s’aperçut qu’il tenait maintenant un magnifique marteau sombre et brillant, immense mais léger dans sa main qui crépitait de la puissance de l’éclair.
“… Sois heureux je te donne le feu et la foudre car tu seras la chaleur de ton peuple et ils pourront construire et prospérer dans la montagne. Je te nomme Seigneur des Forges. Nartang sera ton marteau. Il pourra appeler la foudre et le feu et tu pourras toujours l’utiliser pour forger, tordre et soumettre le métal et les âmes à ta volonté. Utilise-le avec sagesse et dans le respect de la LOI et quand ton peuple quittera les profondeurs de la montagne pour venir vivre auprès des autres races de Navriel ils pourront tous bénéficier de votre enseignement pour construire des armes et des outils car il sera dit que les Karvhims sont les maitres de la forge…”
Galthor et Elthiria s’inclinèrent devant Hoeliel et prononcèrent un serment de fidélité à la Déesse de la LOI. Ils repartirent dans la montagne vers leur peuple qui, grâce à eux et à leur sagesse prospérèrent et devinrent ce que les Elfes allaient nommer beaucoup plus tard les Nains.
De la création des Humains et comment Celenwe arriva sur Navriel
Tempus soufflait ses courants sur Navriel et Rielah tissait les innombrables fils de la destinée. Tout cela était, immuable, et rien ne passait, rien ne flétrissait et rien ne se renouvelait. Sur Norgothring, le plan du Chaos, Gelmothing se lamentait.
“… Tempus fait passer le temps dans l’Univers et pourtant rien ne change. Tout reste absolument semblable au jour ou Eion s’est endormi. Cela ne peut pas continuer ainsi. La plupart des Elfes dans leur forêt ne s’intéressent ni à la LOI ni au CHAOS et les Nains dans leur montagne suivent les enseignements de Hoeliel. Il faut provoquer une réaction. Il faut qu’un cycle commence et se termine pour qu’à chaque tour de cette roue le chaos puisse introduire dans la réalité les changements nécessaires à la grande évolution…”
Gelmothing quitta alors le Palais du Chaos sur Norgothring et se rendit sur Navriel.
Il alla d’abord visiter les Elfes dans la forêt d’Anathalan. Depuis la création des premiers Elfes et de leurs enfants ces derniers s’étaient multipliés en plusieurs espèces et clans dans la forêt toujours sous la bannière des Fey.
Il demanda et reçut audience de la part de Larianna et Narantir, les leaders de leur peuple et leur soumit la possibilité de transformer les Elfes de manière à ce qu’ils puissent évoluer.
Malheureusement ils étaient par trop attachés à leur intérêt individuel et avaient encore du mal à voir un intérêt commun à ces évolutions et mutations. Ils déclinèrent la proposition.
Gelmothing partit pour le Kerzerth t’Karn la montagne des
Nains, espérant leur faire la même proposition.
Il ne put accéder au royaume des Karvhims. A peine arrivé
au pied de la montagne il fut accueilli à l’extérieur par
Galthor, le Seigneur des Forges en ces termes :
“… tu n’es pas le bienvenu en nos demeures Seigneur du Chaos. Nous servons Hoeliel et la Loi et ne sommes pas intéressés par tes paroles. Retourne d’où tu viens !”
Gelmothing ne souhaitait pas de conflit avec Hoeliel, il quitta donc la zone des montagnes.
Alors qu’il traversait la grande région des plaines il tomba sur une tourbière. Par-delà les grandes herbes de la plaine s’ouvraient une zone humide ou l’accumulation de terre et de matières organiques en voie de décomposition formait comme un étang de boues.
Le Dieu du Chaos s’arrêta et s’assit au bord de l’étang.
Il observa pendant un moment la boue et l’argile en
contrebas. Il s’imaginait modeler cette masse de matière
primaire et comme il projetait sa volonté la boue et l’argile
commencèrent à prendre forme.
D’abord la masse fut informe puis elle commença à
ressembler à un humanoïde. Elle prit approximativement la
taille d’un Nain puis celle d’un Elfe avant de se stabiliser.
La masse avait maintenant une tête informe sans visage ni
traits, 2 bras, 2 jambes.
Gelmothing passa 3 jours et 3 nuits à modeler et sculpter la forme. Il la détruisit plusieurs fois pour recommencer encore et encore. Au final, quand il fut satisfait de la forme de l’humanoïde, Gelmothing voulut y envoyer une étincelle de vie de la même manière que Eion avait créé les autres créatures et les Dieux et comme il leur avait fait cadeau du don de vie.
Mais ce faisant cette créature n’allait-elle pas être comme les Elfes et les Nains ? Éternels et immuables, incapables de changement et de mutation ?
Cela n’était pas ce qu’il cherchait. Il lui fallait trouver autre chose.
Il tourna son esprit vers Tartarus et appela Celenwe, la Déesse de la Mort.
“… ma sœur, depuis la création d’Eion les seules créatures dont les fils du destin se brisent et que tu accueilles dans ton royaume sont les bêtes mais aucune des 2 races les plus évoluées de Navriel ne vient te visiter.
Je conçois le projet de créer moi aussi une race d’êtres qui pourront régner sur de vastes étendues de Navriel, une race qui aura un peu de la force des Nains et de la sagesse des Elfes mais je voudrais que cette race soit marquée par la mort.
Je voudrais que leur durée de vie soit brève. Je voudrais que l’idée même de la fin de leur existence les pousse dans leurs derniers retranchements, qu’ils cherchent et découvrent, que leur curiosité les guide, qu’ils soient toujours insatisfaits et que leur mort les incite à ce que les générations suivantes fassent mieux et plus…”
Celenwe trouva l’idée intéressante. Elle franchit l’abime de l’espace des plans d’existence en un instant pour se retrouver sur Navriel, au côté de Gelmothing.
“… fais donc selon ton idée mon frère, insuffle l’étincelle de la vie à cette masse informe et moi, quand son temps sera venu, je soufflerai cette étincelle et l’accueillerai dans mon royaume…”
Ainsi Gelmothing créa les Humains, dont la mortalité était une force. En les poussant toujours plus à chercher comment repousser la mort, ils ne tardèrent pas à devenir la race la plus importante de Navriel, reléguant les autres races dans de rares espaces.
Beaucoup plus tard alors que des générations s’étaient succédé les Elfes commencèrent à observer leurs étranges voisins qui s’agitaient dans les plaines.
Ils étaient bruyants et grossiers à leurs yeux. Ils ne s’aventuraient que rarement en Anathalan mais quelques rencontres avaient eu lieu et ne s’étaient pas toutes terminées dans la paix.
Les clans et tribus des humains, à cette époque, étaient principalement nomades et se battaient régulièrement entre elles. Mais une partie des observateurs Elfes étaient fascinés par l’activité frénétique qui animait les humains. Ils étaient curieux et insatiables.
Alors que les Elfes semblaient, pour une partie, se complaire dans la contemplation les humains cherchaient, exploraient et inventaient.
Un des Elfes dont la curiosité était plus aiguisée que celle de ses contemporains, Ehrendil, se décida à découvrir le secret de cette activité frénétique des humains.
Il partit dans les plaines à la recherche d’une tribu qui accepterait de l’accueillir pour quelque temps.
Protégé par sa magie, il échappa à la mort à de nombreuses reprises mais termina par s’intégrer dans le Clan de la griffe de l’Ours.
Il y resta une cinquantaine d’années, pris femme à plusieurs reprises et enfanta de nombreux enfants qui possédaient tous les traits caractéristiques des 2 races.
Mais un des traits qu’ils avaient tous était leur mortalité. Bien qu’ayant une durée de vie plus élevée que les humains ils finissaient par mourir. Au cours de ces années Ehrendil finit par parvenir à la conclusion que la mortalité des humains était ce qui les portaient à la grandeur.
Le fait que leur vie était limitée en durée et qu’elle allait inéluctablement se terminer et la conscience de ce fait les poussaient vers la découverte, la curiosité et cette frénétique envie de vivre intensément.
Ehrendil retourna auprès des Elfes pour partager avec eux cette découverte.
Il prêcha auprès des siens parcourant Anathalan de long en large et parlant devant toutes les communautés du peuple des Fey.
Le moins qu’on puisse dire est que son discours eut un retentissement mitigé.
Une partie de la population des Elfes, celle qui vivait en bordure des grandes plaines et qui s’était peu à peu éloignée du cœur de la forêt était sensible à ses arguments mais ceux des Fey qui résidaient au cœur même de Anathalan, près de Yltirion refusaient d’entendre parler des humains et de leur mortalité.
Pendant de nombreuses années Ehrendil prêcha sa doctrine :
“… si les Elfes veulent devenir un grand peuple ils doivent être mortels…”
Il ne voulait pas que les Elfes ait la durée de vie ridicule des humains mais il ne voulait plus de l’immortalité qui, d’après lui, plongeait jour après jour le peuple des Fey dans l’apathie et la contemplation.
Des discussions animées commencèrent entre les 2 factions et un jour même il y eut un combat. Pour la première fois des Elfes combattirent d’autres Elfes.
Ehrendil fut convoqué au centre de la forêt auprès de Larianna et Narantir.
La voix de Narantir retentit dans toute la forêt.
“… depuis la création de Navriel et de la forêt primordiale jamais Elfe n’avait porté la main sur un autre Elfe. Tu portes la lourde responsabilité de ce péché Ehrendil.
Comme il ne semble pas y avoir la place pour nos 2 philosophies et, soucieux d’éviter que de nouveaux combats ne nous divisent, nous avons décidé de partir.
La forêt va rester mais ce ne sera plus Anathalan. Yltirion va rester mais ce ne sera plus Yltirion. Nous allons partir et emmener notre forêt avec nous. Peut-être un jour les Elfes se réuniront sous la bannière d’un peuple unique mais pas aujourd’hui…”
Et tous les Fey disparurent, la forêt vacilla pendant un instant et ce qui resta ressemblait trait pour trait à Anathalan mais Ehrendil sentit confusément que quelque chose s’en était allé.
Tous les Elfes qui avaient décidé de garder leur immortalité étaient partis ailleurs, sur un autre plan que l’on appela Feywild, les royaumes des Fey.
Ehrendil retourna auprès de ses disciples et ensemble ils implorèrent Gelmothing et Celenwe de leur apporter la mortalité à laquelle ils aspiraient.
Ils furent exaucés et, à partir de moment, la Déesse de la Mort accueille aussi les Elfes dans son royaume de Tartarus quand leur vie se termine.
Les Elfes commencèrent alors à avoir des relations plus régulières avec les autres races de Navriel et ce fut d’ailleurs Ehrendil qui apporta la mortalité aux Nains lorsque ces derniers sortirent de la montagne et il se passa longtemps avant que les Elfes maintenant mortels ne rencontrent de nouveau leurs frères immortels. Mais ceci est une autre histoire.