
Eion
“… au début il y avait le vide. Juste le vide. Puis du vide émergea une conscience, graduellement, petit à petit. D’une étincelle d’intelligence si tenue qu’on aurait pu penser qu’elle ne survivrait pas confrontée à ce vide infini. La conscience devint plus grande, elle grandissait par à-coups et à chacune de ses épisodes de croissance elle prenait de plus en plus de place dans le vide, le remplissant.
La conscience commença à mesurer les intervalles qui séparaient ses épisodes de croissance et elle inventa le temps.
Le temps vint remplir le vide. La conscience utilisa le temps pour grandir encore et encore. Quand elle eut atteint une taille respectable, après des temps impossibles à appréhender par un esprit humain elle prit conscience d’elle-même et du fait qu’elle était.
Elle existait dans le vide mais elle était la seule de son espèce. Elle passa longtemps à se demander si elle était différente du temps et du vide ou si les 3 faisaient partie d’un même tout.
Elle décida qu’elle était différente des 2 autres entités puisque le temps emplissait le vide maintenant et qu’elle même repoussait les limites du vide pour y assurer sa place. Il lui vint alors le besoin de se nommer pour se différentier. Elle se nomma Eion.
La conscience décida qu’elle serait Eion. Elle nomma Tempus le temps et Nohorit le vide.
Pour pouvoir grandir encore Eion repoussa les limites de Nohorit jusqu’aux frontières de la conscience et du temps. Et à la place que tenait Nohorit auparavant elle crée l’espace.
Et l’espace remplaça le vide Nohorit dans une grande partie de tout ce qui existait. Tempus caressa l’espace et découvrit qu’il pouvait l’influencer, le faire se déplacer, le courber et le dilater. Tempus quitta Nohorit qui existait maintenant au-delà de l’espace.
Maintenant qu’il avait l’espace pour être, Eion pensa qu’il devrait continuer sa démarche de création. Il avait maintenant de la matière à disposition. Il attira vers lui de la matière en provenance de tous les endroits qui constituaient l’espace.
La matière arriva et commença à s’agglomérer en une forme sphérique qui tournoyait sur elle-même à grande vitesse. Eion observait au fur et à mesure que la sphère tournait et tournait de plus en plus vite. Et Eion apprenait.
Vint un moment ou la rotation rapide embrasa la sphère qui se
mit à émettre de la lumière. Et pour la première fois l’espace
s’éclaira.
Ces rayons de particules qui parcouraient l’espace à une vitesse
immense fascinèrent Eion. Il ralentit la rotation de la sphère pour
qu’elle ne se consume pas trop vite mais continue quand même à
bruler et à produire de la lumière. Pour qu’elle ne s’éteigne pas il
lui donna une étincelle de sa conscience.
Eion s’aperçut que la lumière apportait aussi de la chaleur. Et que la chaleur élevée à la surface de la sphère détruisait et consumait la matière.
Il agrégea alors de nouveau de la matière en une nouvelle sphère qu’il plaça à côté de la première mais il ne lui fit pas atteindre le point critique ou toute la matière devenait brulante.
Il fut un peu déçu de cette sphère. Elle était stérile et ne produisant rien. Une boule de matière inerte qui ne servait à rien. Il essaya alors de la réveiller en lui envoyant une nouvelle étincelle de sa conscience. Le résultat fut différent que pour l’autre sphère mais dépassa toutes ses espérances.
L’étincelle de conscience frappa la surface de la sphère et la matière qui était jusque-là inerte devint vivante.
La matière se transforma, adoptant de nouvelles formes. Les terres se creusèrent et s’élevèrent. L’eau envahit les espaces que la terre avait déserté, la vie germa de la terre et les plantes envahirent le monde.
Puis la vie produisit d’autres formes. Des animaux, tous plus différents les uns que les autres, envahirent la surface de la sphère de vie, les eaux et le ciel qui venait de se déployer au- dessus des terres et des mers pour protéger la vie du froid de l’espace et de la chaleur de la sphère brulante toute proche.
Eion tomba amoureux de cette terre toute faite de lui et du chaos primordial. Il décida de la nommer Navriel et il nomma l’autre sphère, celle qui tournait en envoyant de la lumière et de la chaleur Absaloth.
Il descendit à la surface de Navriel et décida de s’y établir. Et pendant que Tempus passait il vécut auprès des créatures de sa création, apprenant et enseignant.
Les Enfants d’Eion
Un jour qu’Eion observait une colonie de toute petites créatures qui travaillaient ensemble pour bâtir leur habitat il se posa la question suivante : Qu’est-ce qui fait que chaque membre de cette colonie connait sa place dans le monde et sait à qui il doit se référer à tout moment ? Et pourquoi l’individu accepte que son existence lui soit dictée par un intérêt commun qui est peut-être divergeant du sien propre ?
Il savait qu’une partie de lui avait créé ces créatures et leur mode
de vie et de pensée. Mais il n’arrivait pas à l’identifier.
Alors, de son être surgit un autre être. Et cet autre être était à la
fois lui-même mais il était aussi différent.
Devant lui se tenait maintenant une autre conscience qui avait
émané de Eion mais qui était maintenant autre, indépendante,
pensante.
Et cette nouvelle entité s’adressa à Eion en ces termes :
“… Je suis Hoeliel, et je représente la LOI. Je suis la gardienne de la justice et de l’intérêt commun. J’accompagne les créatures de Navriel et le tout l’espace qui est la création de Eion dans leur volonté de vivre en respectant les autorités et les structures. Je suis toi et je suis moi en même temps. Permets-moi de croitre et de guider les créatures dans la voie de la LOI…”
Eion fut d’abord surpris de voir qu’une manifestation de sa conscience venait de se manifester et qu’elle s’adressait à lui en ces termes.
“…Est-ce toi, Hoeliel ma fille, qui guide ces créatures dans un intérêt commun à leur colonie ?”
“… Oui Père des Dieux, c’est ma volonté qui les guide maintenant comme il s’agissait de la tienne auparavant…”
“… Je suis heureux que tu te sois manifestée, ma fille, reste avec moi sur Navriel et ensemble nous pourront guider toutes ces créatures…”
“… Navriel est ton refuge, Père bien-aimé, je resterai à tes côtés mais laisse-moi trouver ma propre résidence ou je pourrai m’établir et y fructifier avec ceux qui acceptent de me servir et de suivre mes enseignements…”
“… Qu’il en soit ainsi, déclara Eion…”
Eion aida Hoeliel à trouver dans l’espace un endroit où elle pourrait établir sa résidence mais ils ne trouvèrent rien car l’espace était une création d’Eion et il était trop imprégné de son essence.
Arrivé au bout de l’espace et n’ayant rien trouvé Hoeliel aperçut Nohorit, le vide au-delà.
“… Père, demanda-t-elle, pourrais-je moi aussi repousser Nohorit pour y trouver mon royaume et y glorifier tout ce qui se maintient, toute ce qui est régit par la loi, ce qui ne change pas car immuablement parfait ?”
Alors que Eion acceptait, Hoeliel repoussa le vide et créa Aluminesir le plan des Dieux de la Loi. Il était séparé de l’espace d’Eion par une frontière infranchissable faite de Vide et Tempus le temps ne s’y comportait pas de la même manière.
Au moment où Hoeliel prenait possession du plan de la LOI Eion ressentit une étrange impression. Quelque chose en lui semblait le combattre et voulait s’échapper de son être. Il laissa le phénomène se produire et une nouvelle conscience émergea du Père des Dieux.
Une forme mouvante en perpétuelle évolution, impossible à appréhender se tenait devant Eion.
“… Accueille-moi comme il se doit, mon père, déclara la forme aux milles formes, car je suis Gelmothing le Seigneur du CHAOS. Tout ce qui doit advenir vient de moi. Je suis celui qui porte le changement, la contradiction, la création, la surprise et l’inattendu. Si ma sœur de la LOI existe je dois exister aussi…”
Eion se réjouit de voir Gelmothing, partie de lui devenu une entité unique et indépendante.
“… sois le bienvenu fils aimé en cet espace, viens avec moi sur Navriel et ensemble nous pourrons transformer le monde…”
“… je viendrai te rencontrer, père des Dieux, et je chuchoterai à l’oreille des créatures pour qu’elles sortent du chemin de la LOI. Je provoquerai les mutations et les changements mais je le ferai depuis mon propre royaume, Norgothring, le Plan du CHAOS qui se trouvera au-delà de Nohorit le vide et Tempus devra se plier à ma volonté et son flot passera selon mon humeur, toujours changeante…”
Eion était très fier que ses 2 enfants, émanations de son être mais maintenant si différents de lui, aient établis leurs royaumes. Satisfait il retourna à Navriel.
Alors qu’il approchait de son espace 4 parties de lui se détachèrent de son être et se mirent à tournoyer autour de Navriel.
Chacune repoussa l’espace pour s’y créer une place et là ou, auparavant il n’y avait que l’espace de Navriel se trouvaient maintenant 4 royaumes comme de nouveaux joyaux suspendus dans l’univers.
En approchant le premier il vit qu’il était fait du Feu primordial et que tout n’était que flammes, brulures et chaleur.
D’étranges créatures parcouraient une terre sans cesse brulante ou volaient dans son ciel de cendres, des montagnes crachaient du feu et les rivières charriaient de la lave en fusion. En haut d’une montagne assise sur un trône de basalte se trouvait une nouvelle conscience toute entourée de flammes.
“… Père, résonna la voix, je suis Imbor et je commande le Feu élémentaire, permet moi de régner sur ce royaume qui se nomme Inferno”
“… sois le bienvenu Imbor, mon fils, que l’univers se réjouisse de ce que toi et tes frères et sœurs soient…”
Eion parcourut l’espace et arriva jusqu’à un autre royaume. C’était un océan sans fin, aucune terre ne venant briser les vagues. Des créatures nageaient dans les flots sans cesse en mouvement et au fond des abysses, assise sur un trône de corail se trouvait une conscience.
“… Père bien aimé, aimeras-tu ta fille ? Je suis Rielyr de la Mer et mon royaume nommé Naian commande aux rivières et aux fleuves, aux étangs et aux lacs, aux mers et aux océans. Et bien sûr à toutes les créatures qui y vivent…”
“… sois la bienvenue Rielyr, ma fille, que l’univers se réjouisse de ce que toi et tes frères et sœurs soient…”
La conscience d’Eion sautant d’un royaume à l’autre approcha alors du troisième. Il n’était qu’Éther, vent et courants. Des nuages se balançaient au gré des brises et des créatures volantes le parcouraient en tous sens. Suspendu dans l’éther, assis sur un trône de vent se trouvait une autre conscience.
“… Je suis Kusha, père, et je règne sur les zéphyrs, les bises, les noroits et les mistrals. Je guide et protège tout ce qui vole dans le ciel et ici se trouve Shamal, mon royaume…”
“… sois le bienvenu Kusha, mon fils, que l’univers se réjouisse de ce que toi et tes frères et sœurs soient…”
Finalement Eion rejoint le quatrième royaume ou les plaines se succédaient aux forêts se succédaient aux montagnes. De la boue originelle d’où surgit la vie se tenait une quatrième conscience qui s’adressa au père des Dieux en ces termes.
“… Bienvenue sur Gaia, mon père, Je suis Aliel le Dieu de la Terre. Tout ce qui marche, court, rampe et glisse sur la terre m’est cher. Laisse-moi régner au côté de mes frères et sœurs dans ton univers…”
“… sois le bienvenu Aliel, mon fils, que l’univers se réjouisse de ce que toi et tes frères et sœurs soient…”
Passant à côté des quatre royaumes élémentaires Eion remarqua que maintenant dans le lointain de l’espace près de la frontière du Vide se dessinait un motif. Le fond de l’espace était recouvert d’une toile dont les innombrable fils se croisaient et s’entrecroisaient. Ils étaient en perpétuels mouvements et tissaient les dessins des vies de toutes les choses qui avaient été créées par Eion.
Du fond de l’espace surgit une voix.
“…Père, je ne peux te voir car ma vision ne peut se détacher de la toile que je tisse et tisserai sans fin, mais je sais que tu es là car maintenant j’existe. Je suis ta fille, Rielah, et je préside à la Destinée de tout depuis mon domaine d’Equillibrium…”
“… ma fille, reste attachée à ton métier et continue de tisser les fils des vies de nos enfants, sois la bienvenue et la bien-aimée… mais dis-moi. Qu’advient-il de ceux dont le fil se casse ou que sont ces étranges fils que je vois, ils bougent en dehors de ton vouloir et prennent des libertés avec la Destinée ?”
Une nouvelle voix se fit alors entendre, une voix triste et profonde. Elle semblait provenir d’en dessous de l’espace.
“… mon père, je prendrai soin de ceux dont le fils est brisé car tel est ma fonction, ils viendront à moi dans le royaume de Tartarus car je suis Celenwe, la Déesse de la Mort…”
“… et moi je vais tordre les fils du destin, j’enseignerai aux enfants d’Eion comment plier la volonté des Dieux et comment faire que l’impossible soit possible. Je n’ai pas de royaume car je suis partout, je suis ta fille Landall la Déesse de la Magie…”
Eion se déploya alors dans l’Univers pour que sa présence embrasse tous les plans, et tous les temps des tréfonds de l’espace ou Rielah tissait la toile de tout ce qui vit jusqu’aux
royaumes de la LOI et du CHAOS en passant par les royaumes élémentaires.
“… mes enfants, vous êtes nés de moi mais maintenant vous devez grandir et vous développer en dehors de ma volonté. Laissez-moi vous faire un dernier don. Celui de la vie. De la même manière que vous vous êtes manifestés depuis mon essence, d’autres pourront se manifester depuis la vôtre. Et vos enfants seront mes enfants et seront aimés et bénis…”
Eion envoya une dernière étincelle de sa conscience vers ses enfants-dieux et flottant doucement il retomba sur Navriel pour y entamer un sommeil éternel.